Aller au contenu

Portrait de la jeune fille en feu

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Portrait de la jeune fille en feu
Description de l'image Portrait de la jeune fille en feu (logo).png.
Réalisation Céline Sciamma
Scénario Céline Sciamma
Acteurs principaux
Sociétés de production Lilies Films
Pays de production France
Genre drame romantique
Durée 120 minutes
Sortie 2019

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

Portrait de la jeune fille en feu est un drame romantique français écrit et réalisé par Céline Sciamma, sorti en 2019. Il s'agit du quatrième long-métrage et du premier film en costumes de la cinéaste. Il raconte une histoire d'amour lesbienne au XVIIIe siècle en Bretagne entre Héloïse, une jeune femme de la noblesse, et Marianne, une peintre chargée de dessiner le portrait d'Héloïse pour un noble milanais qu'elle doit épouser.

Le film obtient, entre autres, le prix du scénario et la Queer Palm au festival de Cannes 2019, le César de la meilleure photographie aux César 2020.

À la fin du XVIIIe siècle, Marianne, une artiste peintre, dirige une leçon de peinture. L'une de ses étudiantes l'interroge sur l'un de ses tableaux intitulé Portrait de la jeune fille en feu.

Des années auparavant, Marianne arrive sur une île bretonne. Une comtesse lui a commandé un portrait de sa fille Héloïse, fiancée à un noble milanais. Marianne est informée qu'Héloïse refuse de poser pour un portrait car elle ne souhaite pas se marier. Marianne est donc présentée à Héloïse en tant que dame de compagnie et l'accompagne quotidiennement lors de ses sorties afin d'analyser et de mémoriser ses traits pour les recopier ensuite sur une toile.

Marianne achève le portrait et refuse de trahir la confiance d'Héloïse. Elle lui dévoile donc le tableau ainsi que la vraie raison de sa venue. Héloïse critique fortement le tableau, que Marianne détruit ensuite par dépit. La mère d'Héloïse s'apprête à renvoyer Marianne quand Héloïse décide d'accepter de poser pour un deuxième portrait. Pendant que la mère d'Héloïse est en voyage, le lien entre les deux femmes se renforce. Un soir, elles lisent, avec Sophie, une servante, l'histoire d'Orphée et d'Eurydice avant de débattre de la vraie raison qui aurait poussé Orphée à se retourner. Les deux femmes aident Sophie à avorter et vont à un rassemblement de femmes qui chantent et dansent. La robe d'Héloïse, qui commence à s'enflammer, est vite éteinte. Pendant ce temps, Marianne est hantée par une vision d'Héloïse en robe de mariée.

Le lendemain, Marianne et Héloïse se rendent dans une grotte et partagent leur premier baiser ainsi que leur première nuit ensemble le soir même. Les jours suivants, leur romance et leur complicité ne cessent de s'accroître. Leur relation est étouffée par le retour de la mère d'Héloïse. Marianne dessine des croquis d'Héloïse et d'elle-même qu'elles s'échangent pour se souvenir l'une de l'autre et échangent un bref adieu. Alors que Marianne sort de la maison, elle entend Héloïse lui dire, telle Eurydice à Orphée, « Retourne-toi ». Marianne se retourne et voit Héloïse en robe de mariée.

De retour dans le présent, Marianne révèle qu'elle a revu Héloïse deux fois : la première, sous la forme d'un portrait dans une galerie d'art, où elle pose avec sa fille, tenant un livre discrètement ouvert à la page 28, numéro de la page sur laquelle Marianne avait dessiné son autoportrait. Elle l'aperçoit ensuite de nouveau pendant un concert, où elle la voit émue par le troisième mouvement de L'estate de Vivaldi, morceau que Marianne lui avait fait découvrir au clavecin pendant son séjour.

Fiche technique

[modifier | modifier le code]

Distribution

[modifier | modifier le code]

Adèle Haenel retrouve la réalisatrice pour son quatrième long métrage, onze ans après Naissance des pieuvres (2007). Le tournage débute le à Saint-Pierre-Quiberon, au nord de la presqu'île de Quiberon, et à Brech (Morbihan) en Bretagne, et dure jusqu’au . Les prises de vues s’ensuivent au château de La Chapelle-Gauthier à La Chapelle-Gauthier (Seine-et-Marne) et à Paris jusqu’au .

Hélène Delmaire a peint la plupart des tableaux présentés dans le film[4].

Jean-Baptiste de Laubier retrouve la réalisatrice pour la quatrième fois pour composer la musique du film[5]. Il partage la musique avec Arthur Simonini[1].

Dans la scène nocturne où les femmes sont rassemblées autour du feu, elles chantent en latin Fugere non possum, c'est-à-dire « Je ne peux pas m'enfuir ».

Dans la scène finale, l'orchestre joue le presto de L'Été (L'estate) de Vivaldi, le deuxième concerto des Quatre Saisons d'Antonio Vivaldi.

Accueil critique

[modifier | modifier le code]
Portrait de la jeune fille en feu
Score cumulé
SiteNote
Allociné 4/5 étoiles
Compilation des critiques
PériodiqueNote
Télérama 3/3 étoiles
Le Soleil 3/3 étoiles
Le Devoir 5/5 étoiles
Le Journal de Montréal 4/5 étoiles
Cahiers du cinéma 1/5 étoile

Hormis quelques critiques très négatives, le film reçoit un accueil critique globalement enthousiaste, collectant de nombreux prix et éloges.

Le site Allociné propose une moyenne de 45 à partir de l'interprétation de critiques provenant de 36 titres de presse[6].

Pour Jérémy Piette, dans Libération, « Portrait de la jeune fille en feu se révèle l'un de ces très beaux films qui donnent envie de faire des films, ou d'en voir, ou d'en espérer d’autres » et qui propose « un regard en rupture avec l'ordinaire des regards, une alternative[7]. »

Dans Première, Thierry Cheze parle d'« un film d'une délicatesse infinie » qui « entre au Panthéon des plus belles histoires d'amour du 7e art »[8] et Sophie Benamon souligne la qualité des cadrages et du jeu des actrices[9], dans la même lignée que Télérama qui le qualifie d'« élégant et lyrique »[10].

En revanche, pour Jean-Philippe Tessé, dans les Cahiers du cinéma, « l’écriture filmique de ce Portrait appartient au genre tout ce qu’il y a de plus neutre du cinéma endimanché, à l’interprétation calamiteuse, plein d’hilarants détails qui tuent et de feu qui crépite très fort dans la cheminée, pour faire ambiance. »

Dans l'émission de radio Le Masque et la Plume, les critiques sont divisées : une partie juge le film « ridicule, scolaire » ou « décevant », tandis que la majorité le décrit comme « magnifique, […] d'une richesse incroyable », insistant sur l'intelligence du traitement des thématiques liées à l'art, à l'amour et au féminisme[11].

Entre critique de film et usage du film comme exemple, dans sa forme comme dans son fond, Michel Delon a intitulé l'avant-propos de Femmes artistes à l'âge classique "Portraits d'artistes en feu" et met ce film au centre de sa réflexion mettant en jeu les problématiques liées aux femmes artistes[12].

Dans une critique particulièrement enthousiaste, François Lévesque, du journal montréalais Le Devoir parle d'un film « d'une sidérante beauté », à la fois « profondément féministe et romantique » qui laisse « une empreinte indélébile dans la mémoire »[13].

Pour Isabelle Hontebeyrie, du Journal de Montréal, « les éclairages, la beauté sauvage des décors naturels et les scènes filmées comme des tableaux sont autant d'éléments qui confèrent à ce Portrait de la jeune fille en feu un charme universel et durable[14]. »

Dans La Presse, Marc Cassivi juge le film « beau, fin, sensible, sensuel et élégant » et la mise en scène « magnifique de subtilité dans son évocation des turbulences du rapport amoureux[15]. »

Éric Morneau du journal Le Soleil de Québec mentionne que « le film n’échappe pas à une certaine surcharge symbolique » tout en louant la « mise en scène totalement incarnée » d'un film qui « offre aussi une réflexion sur le geste de peindre, de réaliser un portrait, soit saisir l'âme de son sujet[16]. »

  • France : 312 481 entrées[17]
  • À l'étranger : 1 040 000 entrées[18]

Céline Sciamma explique avoir voulu « faire un film d’amour, avec une histoire totalement inventée », estimant qu'« il y avait peu de films totalement consacrés à l’amour, alors que ce sont souvent les plus grands de l’histoire du cinéma[19]. » Parmi ses influences, elle évoque Titanic — influence dont elle a été consciente a posteriori —, Mulholland Drive, Alfred Hitchcock et Barry Lyndon pour l'éclairage « à la bougie »[19]. Elle fait aussi référence au film La Leçon de piano lorsque le personnage d'Ada se jette à l'eau avec son instrument : dans son film, Marianne se jette aussi à l'eau pour récupérer ses toiles. La réalisatrice explique qu'on pourrait voir le début de Portrait de la jeune fille en feu comme la continuité du film de Jane Campion[20].

Choix artistiques

[modifier | modifier le code]

Céline Sciamma place le « regard féminin » au centre de son film : « C'est un enjeu de mise en scène, comment on regarde ces personnages féminins toujours comme des sujets pas comme des objets […] en proposant une autre politique du regard[21]. »

Distinctions

[modifier | modifier le code]

Six des huit journalistes de Télérama ayant visionné la totalité des films en compétition à Cannes en , auraient décerné le prix d'interprétation féminine à Adèle Haenel et Noémie Merlant[22]. Le magazine Première s'étonne également que le film n'ait pas reçu un prix plus prestigieux que celui du scénario à Cannes, par exemple le prix de la mise en scène, un double prix d’interprétation féminine, voire le grand prix[8].

Portrait de la jeune fille en feu était le grand favori[23] des trois films présélectionnés pour représenter la France aux Oscars en 2020[24], avant que ne soit retenu le film de Ladj Ly, Les Misérables[25].

Récompenses

[modifier | modifier le code]

Nominations

[modifier | modifier le code]

Sélections

[modifier | modifier le code]

Le film est inscrit au programme du concours de l'agrégation interne de lettres modernes et classiques pour la session 2025[28].

Jeux de regards et mythe d'Orphée et Eurydice
Orphée et Eurydice, peinture de Christian Gotlieb Kratzenstein-Stub (1806), conservée à la Ny Carlsberg Glyptotek.
Dans le film, Marianne réalise une peinture du mythe, où Orphée et Eurydice, au moment de leur séparation, « ont l'air de se saluer ».

Le mythe d'Orphée et Eurydice a une importance centrale et récurrente dans Portrait de la jeune fille en feu. Le plus directement, quand Marianne, Héloïse et Sophie lisent ensemble le chapitre des Métamorphoses d'Ovide et débattent de l'interprétation à donner du moment où Orphée décide de se retourner, renvoyant Eurydice dans les Enfers.

À travers ses représentations, avec l'exemplaire des Métamorphoses d'Héloïse sur lequel Marianne dessine son autoportrait pour l'offrir à Héloïse, livre qu'elle retrouve ensuite des années plus tard représenté dans le portrait peint d'Héloïse avec un enfant, mais aussi la peinture du mythe que Marianne réalise à la fin du film.

Le mythe se retrouve aussi dans les actions des personnages, que ce soit directement, en fin de film, où Marianne s'en va, se retourne sur Héloïse en robe de mariée puis la voit disparaître, ou de manière plus subtile, lorsqu'au début du film Marianne suit Héloïse qui court vers la falaise avant de se retourner ; cette scène est d'ailleurs une inversion du mythe, puisque ce n'est pas Marianne-Eurydice qui retourne vers la mort, mais Héloïse-Orphée qui exprime sa joie de se sentir vivante[29].

Plus symboliquement, le mythe d'Orphée et Eurydice, en particulier les interprétations qu'en fournissent les personnages, sont des clés de lecture du film. Marianne propose ainsi une lecture du mythe où Orphée fait « le choix du poète » en se retournant, la mort de son histoire d'amour devenant la naissance d'une carrière artistique ; c'est aussi ce qui se passe pour la peintre, où la fin de son histoire avec Héloïse coïncide avec le début de la reconnaissance de ses talents artistiques[29].

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. a et b Para One, « Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma, dont j'ai composé la musique originale avec Arthur Simonini, en sélection officielle au Festival de Cannes 2019 ! », sur Facebook, (consulté le ).
  2. Fabien Lemercier, « Céline Sciamma enfin en compétition à Cannes avec Portrait de la jeune fille en feu », sur Cineuropa, (consulté le ).
  3. Claire Mathon, « Où Claire Mathon, AFC, parle de son travail sur "Portrait de la jeune fille en feu", de Céline Sciamma », (consulté le ).
  4. Juliette Marie, « Hélène Delmaire, la peintre derrière le Portrait de la jeune fille en feu », sur Les Inrockuptibles, (consulté le ).
  5. Benoît Basirico, « Cannes 2019 : Quels compositeurs au sein de la sélection officielle ? », sur Cinezik, (consulté le ).
  6. « Portrait de la jeune fille en feu », sur Allociné (consulté le ).
  7. Jérémy Piette, « Céline Sciamma, peinture sur soi », sur Libération, (consulté le ).
  8. a et b Thierry Cheze, « Portrait de la jeune fille en feu : Tableau de maître [Critique] », sur Première, (consulté le ).
  9. Sophie Benamon, « Cannes 2019: Un Portrait de la jeune fille en feu porté par un fabuleux duo d’actrices [Critique] », sur Première, (consulté le ).
  10. Jacques Morice, « Portrait de la jeune fille en feu », sur Télérama (consulté le ).
  11. « Critique - Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma : plutôt "lumineux" ou "décevant" ? », sur France Inter, (consulté le ).
  12. Collectif, Femmes artistes à l'âge classique, Paris, Garnier, , 329 p. (ISBN 978-2-406-11039-2), p. 7-12
  13. François Lévesque, « Portrait de la jeune fille en feu », sur Le Devoir, (consulté le ).
  14. Isabelle Hontebeyrie, « Portrait de la jeune fille en feu : la beauté triste des amours impossibles », sur Le Journal de Montréal, (consulté le ).
  15. « Critique de Portrait de la jeune fille en feu (film, 2019) », sur La Presse, 2020-14-02 (consulté le ).
  16. « Critique de Portrait de la jeune fille en feu (film, 2019) », sur Le Soleil, 2020-20-02 (consulté le ).
  17. Voir sur allocine.fr.
  18. « Portrait de la jeune fille en feu franchit le seuil symbolique du million… », sur unifrance.org (consulté le ).
  19. a et b « Céline Sciamma : “DiCaprio est une icône lesbienne” », So Film, no 73,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  20. Stéphane Charbit, « Tout Feu Tout Flamme, l’incandescence d’une cinéaste, Céline Sciamma », sur OCS, (consulté le ).
  21. France Culture, « Céline Sciamma : portrait d’une réalisatrice en feu », sur France Culture, (consulté le ).
  22. « Cannes 2019 : le palmarès de la rédaction », sur telerama.fr, (consulté le ).
  23. « Oscar du meilleur film international », sur 20minutes.fr, (consulté le ).
  24. « Oscars 2020 : quels films pour représenter la France comme Meilleur film étranger ? », sur allocine.fr, (consulté le ).
  25. « Oscars 2020 : le film Les Misérables choisi pour représenter la France », sur allocine.fr, (consulté le ).
  26. Thomas Sotinel, « Festival de Cannes 2019 : la Palme d’or revient à « Parasite », le Grand Prix à « Atlantique » », sur Le Monde, (consulté le ).
  27. « Cannes : la Queer Palm 2019 décernée à Céline Sciamma », sur europe 1 (consulté le ).
  28. « Les programmes des concours d'enseignants du second degré de la session 2025 », sur devenirenseignant.gouv.fr (consulté le ).
  29. a et b Benjamin Eldon Stevens, « “Le choix du poète et non celui de l’amoureux”, une lecture du Portrait de la jeune fille en feu à la lumière du mythe d’Orphée », sur Antiquipop | L'Antiquité dans la culture populaire contemporaine (consulté le ).

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

[modifier | modifier le code]

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]