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Quasi-guerre

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Quasi-guerre
Description de cette image, également commentée ci-après
Combat de l'USS Constellation et de l’Insurgente, le .
Informations générales
Date -
(2 ans, 2 mois et 23 jours)
Lieu Côtes atlantiques d'Amérique du Nord, Antilles, mer des Caraïbes.
Issue Traité de Mortefontaine
Belligérants
Drapeau de la France République française Drapeau des États-Unis États-Unis
Forces en présence
Corsaires
effectifs inconnus
18 frégates
4 sloops
2 brigs
3 schooners
365 corsaires
5 700 marins
Pertes
inconnues
22 prises

85 navires
20 tués
42 blessés
300 cargaisons capturées
Plus de 2 000 navires capturés au total[1]

Guerres de la Révolution française

Batailles

La quasi-guerre (Quasi-War en anglais) est, de à , un conflit larvé entre la Première République française et les États-Unis, correspondant à une véritable guerre navale, bien que non déclarée.

Au début de la Révolution française, les relations sont excellentes entre les républicains américains et les révolutionnaires français, mais elles se détériorent après l'exécution de Louis XVI en et surtout l'abolition de l'esclavage décrétée par le gouvernement français, à laquelle s'opposent les lobbies américains soucieux de ne pas donner des idées de liberté à leurs propres esclaves. Les Français reprochent aux Américains leur refus de rembourser leur importante dette à la France, qui les avait soutenus au cours de leur propre révolution. Le gouvernement de Washington prétextait que la dette avait été contractée auprès de l’Ancien Régime et s’était éteinte avec lui. La France était également scandalisée par le rapprochement de Washington avec le Royaume-Uni, notamment le traité de Londres de 1795 qui permettait aux États-Unis de faire du commerce avec la Grande-Bretagne, nation avec laquelle ils étaient auparavant en guerre[2].

Début , pour contrer l'augmentation des captures des navires marchands américains par les pirates barbaresques sur les côtes du Maghreb, le Congrès des États-Unis a ordonné la construction d'une marine militaire pour la protection de leur commerce.

Edmond Genêt, ambassadeur de France à Philadelphie, est révoqué par les Américains après de nombreuses maladresses[N 1]. Les États-Unis lui fournissent cependant l'asile, et s'opposent à son retour en France, alors confrontée à la Terreur.

Montée des tensions

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Le , le traité de Londres, signé par John Jay, permettant aux Anglais de confisquer les marchandises françaises découvertes dans les navires américains, est vécu par les Français comme une « trahison et violation » des traités bilatéraux de 1778. Le gouvernement de la Convention nationale réplique en immobilisant des navires américains au mouillage dans les ports français et en autorisant des corsaires à arraisonner ceux qui sont en mer.

Peu de temps après, les déprédations commises par les corsaires de la France révolutionnaire et orchestrées par Victor Hugues, commissaire de la République en Guadeloupe, forcent la toute nouvelle US Navy à protéger les expéditions marchandes des États-Unis, qui sont en plein développement.

Le , les Américains dénoncent le fait que le navire La Fortitude, du capitaine Jourdain, corsaire français basé au Cap-Français de Saint-Domingue, a pillé puis brûlé, en plein port de Charleston, L'Oracabissa, un bateau anglais chargé d'une riche cargaison[3].

C'est également en octobre que débute l'affaire XYZ. Des émissaires américains en France sont soumis, selon leur témoignage ultérieur, à des demandes de pots-de-vin de la part d'agents du ministre français des affaires étrangères, Charles Maurice de Talleyrand. Révélés au Congrès mi , ces événements provoquent un scandale, et les parlementaires fédéralistes et anglophiles réclament l'ouverture des hostilités avec la France. La dégradation des relations entre les deux pays s'accélère. C'est le début de l'état de quasi-guerre[4].

Hostilités navales

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Prisonniers français escortés par des soldats du corps des Marines.

La quasi-guerre commence le , durant le Directoire, quand le Congrès américain abroge tous les traités bilatéraux signés au préalable avec la France. Le président John Adams refuse d'engager son pays dans une guerre formelle. Cependant, par mesure de rétorsion, et avec l'autorisation du Congrès, il instaure un embargo sur les produits français, charge le docteur Edward Stevens de soutenir la révolution haïtienne contre la présence coloniale française et ordonne à la marine américaine de capturer les navires français.

L’US Navy, qui a pour l'essentiel disparu depuis presque une décennie, est ressuscitée pour l'occasion, grâce aux Naval Acts de 1794 et 1798. Lors de ce conflit, elle aligne environ 30 vaisseaux, aidés d'un nombre important de bateaux privés. Les escadres américaines parcourent principalement la côte sud des États-Unis et les Caraïbes, à la recherche de corsaires français, puisque leur effectif limité ne leur permet pas d'escorter en nombre des convois de navires marchands.

La situation est identique le long de la côte sud-américaine, comme le signale le consul Turell Tufts au secrétaire d'État.

La prise de la Carolina, le , par Marie-Étienne Peltier, déclenche l'envoi par les Américains en mer des Caraïbes d'une escadre commandée par le commodore John Barry et comprenant notamment le sloop USS Portsmouth et la frégate USS Constellation.

Les engagements navals tournent dans l'ensemble à l'avantage des Américains. En particulier, la frégate américaine USS Constellation capture la frégate française l’Insurgente (), et endommage sévèrement la frégate La Vengeance (nuit du 1er au ). Entre-temps, Burnel, agent du Directoire en Guyane, signe une déclaration de guerre le [5].

Les Revenue cutters, ancêtres des US Coast Guards, participent également au conflit. Ainsi, le cotre Pickering fait deux voyages aux Antilles et capture plusieurs navires, dont un qui porte 44 canons et manœuvré par environ 200 marins, soit trois fois plus que sa propre puissance.

Le succès de la révolte des esclaves de Saint-Domingue, qui représente alors la moitié de la production mondiale de coton et de café et un tiers de celle de sucre, change alors la donne économique mondiale.

L'arrivée à Cuba de réfugiés de Saint-Domingue après l'armistice du 30 mars 1798 en voit beaucoup devenir corsaires lors de la quasi-guerre, sur fond de convention commerciale tripartite de 1799 entre Toussaint Louverture, les États-Unis et l'Angleterre, contestée par la France, ce qui va nourrir la piraterie des années 1800 dans la Caraïbe et donne un premier coup de fouet au trafic commercial à Cuba, comme le montrent les valeurs produites par le port de Cuba entre et , une partie venant des prises des corsaires français attaquant les navires américains commerçant avec Saint-Domingue[6] :

Année 1797 1798 1799 1800 1801
Tonnage 32,5 46,1 76,5 84 116,6

Les escadres de la marine américaine recherchent et attaquent non seulement les corsaires français, mais aussi tous types de navires français, jusqu'à ce que la France du Consulat s'accorde à un règlement honorable. De leur côté, plusieurs corsaires s'enrichissent notablement et en peu de temps.

À partir de 1800, les deux parties souhaitent mettre fin aux hostilités, et la quasi-guerre se termine le avec la signature du traité de Mortefontaine.

Conséquences

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À la fin du conflit en 1800, on estime que les Américains ont capturé 85 navires français, dont un nombre important de captures effectuées par des cotres privés. De leur côté, les Français ont saisi plus de 2 000 bateaux marchands américains, entraînant une augmentation très importante des primes d'assurances commerciales[7].

Diplomatiquement, le conflit a permis aux deux pays de rompre leur alliance et de retrouver une neutralité que chacun désirait dans le contexte des guerres napoléoniennes.

Notes et références

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  1. Chargé d'entraîner les Américains dans la guerre que la France venait de déclarer à l'Angleterre, il est cependant allé trop loin dans cette voie, selon son biographe Claude Moisy, et se heurta à la « relation spéciale » entre les « Anglo-Saxons ». Genêt « croyait pouvoir entraîner l'Amérique dans la guerre au secours de sa patrie » et « s'était mis aussitôt en devoir de distribuer à grand bruit des lettres de marque, d'armer des corsaires, d'ordonner des recrutements, de condamner des prises, de préparer des conquêtes », a raconté en 1862 l'historien et député centriste Cornélis Henri de Witt, avant d'ajouter, que « dans ses efforts pour réchauffer la haine des masses contre l'Angleterre », il « fit tout ce qu'il fallait pour les détacher complètement de la France et du parti français ».

Références

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  1. Gregory E. Fehlings, « America's First Limited War », p. 108.
  2. (en) Donald R. Hickey, « The Quasi-War: America's First Limited War, 1798–1801 », The Northern Mariner/le marin du nord, XVIII Nos. 3-4,‎ , p. 67-77 (lire en ligne)
  3. La guerre de course en Guadeloupe, XVIIIe – XIXe siècles
  4. Jacques Bodelle, Petite(s) histoire(s) des Français d'Amérique, Les Éditions Mélibée, , 372 p. (ISBN 978-2-36252-848-4, lire en ligne), La rocambolesque « Affaire XYZ »
  5. de Langlais 2017.
  6. Le monde caraïbe : Défis et dynamique. Tome II. Géopolitique, intégration, par Christian Lerat, p. 112 (contribution de Maria-Elena Orozco, professeur à l'université de Bordeaux).
  7. Gregory E. Fehlings, « America's First Limited War »

Bibliographie

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  • (en) Alexander De Conde, The quasi-war : the politics and diplomacy of the undeclared war with France 1797–1801, New York : Scribner's, 1966.
  • (en) Gregory E. Fehlings, « America's First Limited War », Naval War College Review, vol. 53, no 3 « Summer »,‎ , article no 6 (lire en ligne [PDF]).
  • Myriam Alamkan, Histoire maritime des Petites-Antilles XVIIe et XVIIIe siècles, Matoury (Guyane), Ibis Rouge, , 207 p. (ISBN 2-84450-160-5).
  • Ulane Bonnel, La France, les États-Unis et la guerre de course (1797-1815), Paris, Nouvelles Éditions latines, .
  • Tugdual de Langlais, Marie-Etienne Peltier, capitaine corsaire de la République, Nantes, Coiffard, , 240 p. (ISBN 978-2-919339-47-1).

Articles connexes

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Liens externes

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